Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

178
Contes d’un buveur de bière

mains du garde champêtre, en quoi il méritait doublement son nom de la Guerliche.

Il était l’unique souci du mayeur d’Erchin, un gros fermier rouvelème qui avait la sagesse de laisser chacun agir à sa guise & le monde rouler sa bosse à la volonté de Dieu. Il n’y avait point de jour qu’on ne vînt déranger le brave homme, au milieu d’une partie de cartes, pour se plaindre des fredaines du petit vaurien ; aussi finit-il par perdre patience, &, un beau soir, il jura ses grands dieux qu’il le fourrerait en geôle à la première escapade.

Le surlendemain, à l’heure où tout le monde était aux champs, le mayeur fumait sa pipe à la porte, assis sur la caquetoire, ou, si vous l’aimez mieux, le banc aux caquets.

Il dormait à moitié, quand un léger bruit lui fit ouvrir l’œil. Que vit-il ? l’endiablé maraudeur qui, à cheval sur le mur, pêchait effrontément ses canards à la ligne dans la mare de la basse-cour.

« Attends un peu, va, fieu, que je me lève ! » cria le mayeur. Mais la Guerliche ne l’attendit point, &, préférant le soleil à l’ombre, il jugea prudent de décamper & ne reparut plus à Erchin.