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Manneken-Pis

— De jolis petits lapins, godv… Veux-tu m’en vendre un ?

— Je te connais, beau masque, » dit tout bas Petit-Pierre.

Puis tout haut :

« Monsieur l’abbé, mes lapins ne sont ni à vendre ni à donner. Ils sont à gagner.

— Et comment les gagne-t-on ?

— Comme le ciel, monsieur l’abbé, par l’humilité. Si vous aviez une grâce à demander à notre saint-père le pape, que feriez-vous ?

— J’irais me jeter à ses pieds.

— Ensuite ?

— Ensuite, je baiserais dévotement sa mule.

— Eh bien ! fieu, voici la nôtre, baisez-la. »

« Godverdom » s’écria celui-ci.

Puis il s’arrêta court. Comme le sire de Nivelle, il offrit de l’or, pria, supplia, conjura au nom de tous les saints du paradis. Petit-Pierre ne voulut entendre à rien.

Il fallut que le roi mît pied à terre, s’agenouillât & baisât le sabot du malicieux manneken. Après l’humiliante cérémonie, il remonta sur sa bête, emportant un lapin dans la poche de sa soutane.

À peine était-il à une portée de crosse que,