Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

298
Contes d’un buveur de bière

« Vingt mille ? »

Il envoya un projectile sur le nez de Miraud.

Le seigneur comprit qu’il n’en démordrait point. Il se dit qu’un moment de honte eſt bientôt passé, & qu’après tout, lorsqu’on a le malheur de ressembler à un muid, on ne saurait acheter trop cher l’agrément d’épouser une princesse belle comme le jour.

« Ainsi, tu me donneras un de tes lapins ?

— Oui, seigneur, sitôt que je l’aurai mis dans le petit noir.

« Soit ! dit-il, mais dépêchons. »

Il s’essuya le front & se plaça à la diſtance voulue.

Pendant que les lapins broutaient l’herbe, trottaient, jouaient à cache-cache, Pierre s’amusa gravement à chasser dans la belle face ronde du gros seigneur une grêle de petits bouchons qui rebondissaient sur la peau comme des balles sur un tamis.

Miraud regardait la scène à l’écart, assis philosophiquement sur son derrière.

Le malin sautériau visait tantôt l’œil droit, tantôt l’œil gauche, tantôt la bouche. Jamais il n’atteignait le nez.

« Touché ! s’écriait le sire de Nivelle.