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Contes d’un buveur de bière

les Quaregnonais furent vaincus par les Fresnois. Ils se fâchèrent, & on se battit à coups de poing dans toutes les rues.

Cambrinus acheta alors un pinson aveugle, qu’à la mode des gens du pays wallon, il emporta partout avec lui. Ayant ouï dire qu’il devait y avoir à Saint-Amand un grand concours de pinsons, il prit son compagnon de route & partit.

En approchant de la ville, il rencontra à la Croisette les pinsonneurs qui, au nombre de trois cents, se rendaient au lieu du combat, deux par deux, & tenant à la main leurs petites cages en bois, garnies de fil de fer. Le cortége était précédé d’un tambour-major orné de sa canne, de deux tambours & de six jambons fleuris & enrubannés, digne prix de la lutte.

Cambrinus leur emboîta le pas, & quand les cages furent rangées en bataille, le long du clos de l’Abbaye, on entendit un joli concert. Chaque oiseau criait à tue-tête son gai refrain, tandis qu’avec un morceau de craie, son maître, sous la surveillance des commissaires, inscrivait consciencieusement les coups de gosier sur une ardoise. Le bruit était tel qu’on n’eût pas ouï sonner la grosse cloche de la tour.

Le Fresnois avait parié trois mille florins que, sans entremêler son chant des p’tit-p’tit-p’tit récapiau-placapiau qui échappent aux artiſtes de