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Le Blanc Misseron

égorge ses semblables pour l’honneur & sans y être poussé par la faim.


ii


Un jour du mois de mai que l’ennuyé misseron se promenait seul devers Quiévrechain, il trouva sur la route un vieux mâtin borgne, boiteux, efflanqué, & se traînant avec peine. Il fut ému de pitié & lui dit doucement :

« Où vas-tu, mon pauvre vieux ?

— Tout droit devant moi, comme un chien perdu, répondit le mâtin. J’ai longtemps & fidèlement gardé la maison. Aujourd’hui que me voilà presque infirme, mon maître a donné ma place à un jeune dogue & a voulu m’assommer. C’eſt pourquoi j’ai pris la clef des champs.

— Et comment s’appelle ce misérable ?

— Tafarot, le brasseur.

— Celui qui demeure dans cette grande cassine désolée, au bout de Quiévrechain, à deux pas de Quiévrain ?

— Celui-là même.

— Je le connais. Il a un grenier plein d’orge & un trou à son grenier. C’eſt un brutal. Je l’ai vu maintes fois bûcher sa femme… De sorte, mon