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Le Petit Soldat

hélas ! deux charmantes cornes, qui auraient été du meilleur effet sur le front d’une chèvre, mais qui n’avaient point la même grâce sur celui du petit soldat.

Il recommença de se désespérer.

Ce n’eſt pas assez, dit-il, qu’une femme me détrousse, il faut encore que le diable s’en mêle & me prête ses cornes ! La jolie figure que j’aurai maintenant pour retourner dans le monde ! »

Mais comme le malheureux n’était nullement rassasié, que ventre affamé n’a point d’oreilles, même quand il court risque d’avoir des cornes ; qu’après tout, le mal étant fait, il ne pouvait guère en arriver pis, qu’enfin Jean n’avait pas autre chose à se mettre sous la dent, il escalada résolument un second arbre, qui portait des prunes du plus beau vert, des prunes de reine-claude.

À peine en eut-il croqué deux que ses cornes disparurent. Le petit soldat, surpris, mais enchanté de ce nouveau prodige, en conclut qu’il ne fallait jamais se hâter de crier misère. Il apaisa sa faim, après quoi il eut une idée.

« Voilà, pensa-t-il, de jolies petites prunes qui vont peut-être me servir à rattraper mon manteau, ma bourse & mon cœur des mains de cette coquine de princesse. Elle a déjà les yeux d’une gazelle, qu’elle en ait les cornes ! Si je parviens à lui en planter une paire, il y a gros à parier que je me