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les liens de mes deux bras entrelacés qu’en les déchirant et en les faisant saigner abondamment comme vous auriez déchiré et fait saigner mon cœur. La douleur que vous auriez causée à mes membres resserrés autour de votre cou ne se serait calmée que dans l’évanouissement de tout mon être et c’eût été le prélude de mon agonie et de ma mort. Monsieur, vous avez été le plus cruel des fiancés. Si vous vous étiez tant aimés, vous auriez amené votre Rose, et votre Rose vous aurait suivi pour partager votre exil et votre misère. C’est ainsi que je comprends l’amour ». — « Mais pauvre jeune fille insensée, ne voyez-vous pas que j’aimais trop ma Rose pour la voir souffrir un seul instant de ma misère et de ma pauvreté ? Je lui promettais de revenir bientôt. Et puis, éloignée de moi, ma Rose n’endurait-elle pas les mêmes souffrances, les mêmes tortures que moi ? Ses souffrances, ses tortures morales n’étaient-elles pas assez grandes pour que je lui évitasse les souffrances et les tortures physiques ? Notre amour était très grand, mais il n’était pas insensé. »

La journée fut longue dans le train ; elle me parut interminable. Le va-et-vient des passagers, le bruit des roues sur les rails, les mouvements saccadés du train dans les courbes ne purent me tirer de ma torpeur. La locomotive haletait, s’arrêtait, repartait, sifflait, grondait, et je n’entendais rien, absolument rien ; c’était la nuit, la mort pour mes sens extérieurs. Pour mon âme, c’était comme un moment d’arrêt dans la vie, une heure de transition. Tour à tour je regardais dans le passé ou j’envisageais l’avenir. Ma famille fuyait ; mes frères