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Elles veulent être, comme l’amour, les dernières à saluer un départ et les premières à tendre la main à l’arrivée. Si l’amitié est sensible et franche, l’amour, par contre, est égoïste et souvent morose dans certaines circonstances.

Le contrôleur du train, un Anglais, jeta un dernier cri : All aboard. Nous nous serrâmes les mains à la hâte, mes frères et moi. Rose était très triste ; ses beaux grands yeux bleu tendre brillaient sous les larmes qu’elle cherchait à retenir ; sa bouche s’efforçait de sourire pour me donner du courage. Je l’embrassai fortement entre mes bras, et je sentis battre son cœur, comme elle, le mien. Nos lèvres se rencontrèrent et les mêmes mots s’en échappèrent en même temps : « À toi pour toujours, au revoir ». Je la reconduisis sur le quai de la gare : nos mains s’enlacèrent une dernière fois pendant que le train se mettait en mouvement. Je la vis quelques secondes encore, retenant toujours ses larmes pour ne pas m’affliger, et se montrer forte devant mes frères. J’entrai dans le wagon et je me jetai éperdu sur la banquette à la place qu’elle avait occupée.

« Comment, me disait un jour une jeune fille à qui je racontais ce départ attristé, avez-vous pu quitter votre Rose, vous qui l’aimiez tant ? Et comment votre Rose, qui vous aimait tant, a-t-elle pu vous laisser partir seul ? Non, non, ce n’était pas là de l’amour. Non, non ; si je vous eusse aimé autant que cela et que vous m’eussiez autant aimée, l’entendez-vous, Monsieur, jamais vous ne m’auriez quittée. Je me serais suspendue et attachée à votre cou comme le lierre se suspend et s’attache à la branche, et vous n’auriez jamais pu briser