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l’Université à peine capable de suivre les leçons du professeur tant j’avais le cœur gros et l’esprit ailleurs. Et toi, chère Rose, tu continuais, triste aussi, ta promenade sur les rues Notre-Dame et St-Jacques, attendant avec anxiété la prochaine récréation pour me voir sortir en hâte et accourir vers toi. Ah ! doux instants ! comme vous avez laissé dans ma mémoire des souvenirs impérissables que j’aime à rappeler souvent. Aujourd’hui encore, quand je passe sur ces rues que nous avons parcourues si souvent ensemble, je pense aux jours de notre jeunesse et il me semble toujours que, jeunes encore, nous parcourons le même chemin avec le même amour.


Hélas ! le dernier jour était arrivé ; c’était l’instant des adieux, un lundi matin, le 28 mars. Nous étions à la gare, dans le train qui allait nous séparer pour de longs jours. Rose et moi, nous étions assis sur la même banquette ; mes frères étaient autour de nous. Le plus jeune et le cadet, tous deux d’un esprit enjoué et espiègle, cherchaient à égayer ce départ, cette séparation. Mais leurs rires et leurs fines réparties avaient de tristes échos dans l’âme de ma Rose ; j’en souffrais plus qu’elle encore. Nous aurions voulu être seuls en ce moment pour nous dire nos derniers mots d’amour et voir briller nos derniers espoirs à travers nos larmes. Pourquoi faut-il que, dans les moments les plus solennels et les plus précieux, nous soyons entourés de parents, d’amis ou d’indifférents ? Je le comprends aujourd’hui, l’amitié et la parenté ont des droits sacrés auxquels elles tiennent.