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fendait la cause et les intérêts des Franco-Américains. On escomptait déjà ma présence au milieu des Canadiens-Français ; je devais faire beaucoup de bien à mes compatriotes expatriés. On me croyait orateur et écrivain. Mon nom paraissait déjà sur les programmes des assemblées. Mais j’étais encore loin de penser à prononcer de grands discours ou à écrire des articles retentissants. Je voulais tout d’abord me débrouiller dans ma carrière nouvelle. Je voulais sortir de la misère au plus tôt, gagner de l’argent et revenir bien vite chercher celle que j’enviais de toutes les forces de mon âme et de mon cœur.

Les jours s’écoulaient avec une rapidité vertigineuse. Hélas ! il me faudrait partir bientôt. Nos entretiens étaient moins gais. Parfois nous nous taisions tout à coup, et nous restions de longs instants silencieux. Rêvions-nous à l’avenir qui nous attendait et que nous commencions à redouter, ou pensions-nous au passé dont le bonheur n’aurait peut-être plus d’écho dans le futur ? Quand nous reprenions notre conversation, c’était pour nous répéter les serments que nous avions faits si souvent. Les veillées, que j’abrégeais forcément pour étudier, étaient le plus souvent tristes ; et le jour, quand nous nous rencontrions entre les cours de l’Université, nous aurions voulu nous isoler pour ne plus voir le monde, pour ne plus entendre le bruit de la rue et pour être bien seuls. Mais ces instants étaient si courts que nous ne pouvions aller loin et fuir tout et tous. Nous avions à peine le temps de nous raconter les rêves faits depuis notre séparation de la veille et de nous répéter encore les mêmes serments. Je rentrais dans