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banquette, près d’une fenêtre. Que m’importaient maintenant la lumière et l’air ; j’étais désormais seul, seul avec mes pensées et mes tristesses. La campagne se déroulait avec ses maisonnettes, ses grands arbres, ses prés, sa verdure, ses fleurs, ses ruisseaux ; mais je regardais la campagne comme on regarde ces objets lointains que les yeux fixent sans les voir ; ma mémoire, mes souvenirs évoquaient d’autres tableaux, d’autres paysages. Que m’importaient le bruit et les voix près de moi ; je n’entendais plus rien que l’écho des chants d’amour que nous avions murmurés pendant les derniers jours écoulés. Quand le train entra en gare à Montréal, j’en descendis précipitamment pour prendre le chemin de ma petite chambre d’étudiant que je trouvai plus vide et plus triste que jamais. Pourrais-je jamais décrire ces sensations douloureuses, ce froid glacial que je ressentis quand je me vis seul de nouveau entre ces quatre murs muets ? Mieux vaudrait chercher à décrire le tombeau et ses horreurs.

Cent fois je m’assis à ma table ; je prenais un crayon, une plume, du papier et j’essayais de transcrire, en langage ordinaire, les pensées et les sentiments qui se pressaient en foule dans mon esprit. En une seconde, je pensais plus vite, je sentais plus vite que ma plume n’aurait pu tracer pendant des heures. Comme dans des rêves où l’on voit, en un instant, de longues actions se dérouler, de nombreux personnages apparaître, parler, se débattre, disparaître et revenir, mes pensées, mes idées me représentaient des scènes, des paysages d’où naissaient sans cesse et rapidement les souvenirs de mes