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tout nous répondait : la lune montant d’un horizon sans nuage, et son image se reproduisant sur l’onde en un long faisceau de rayons argentés ; les petites îles avec leur air mystérieux et leurs ombres tremblotantes ; les joncs et les grandes herbes qui se balançaient mollement au souffle de la brise légère ; le granit des murs du moulin qui étincelait à la lumière de la lune ; les planches du pont qui nous avaient fait trébucher si souvent. Tout parlait à notre âme ; tout était l’écho d’une heure ou d’un instant disparus que nous aurions voulu retrouver et reprendre. Nous marchions et nous nous arrêtions par intervalle ; nous parlions et nous nous taisions par instant ; mais nous n’osions nous regarder de peur de voir nos yeux se remplir de larmes. C’était notre dernier soir dans cette délicieuse campagne ; nous le savions trop, nous le comprenions trop ; nous aurions voulu avoir des heures doubles, très longues. Hélas ! nous le comprenions trop aussi, les dernières heures de l’amitié et de l’amour sont toujours si rapidement écoulées, il n’y a que les heures de l’agonie qui durent un long temps.

Nos amis étaient déjà loin et nous étions encore sur le pont que nous avions de la peine à quitter tant l’air était bon, tant la lumière était douce et tant l’heure était propice aux tendres épanchements de l’amour. La lune était déjà haute et son globe rétréci, quand nous reprîmes le chemin de notre demeure. En passant devant l’église, nous nous arrêtâmes ; j’enlevai mon chapeau et nous adressâmes instinctivement une prière à la Vierge des amours pures. Oh ! nous priâmes avec tant de ferveur ; ce fut un recueillement d’un instant,