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amis ; c’était l’heure du dernier repas sur le gazon. La joie régnait encore, mais on sentait que la fatigue en diminuait les manifestations bruyantes. Le soleil, s’inclinant vers l’horizon, empourprait tout le morceau de ciel que nous pouvions apercevoir de notre cabane de bois, et donnait aux arbres, aux feuilles, à l’herbe et à la nappe d’eau en face de nous dans le lointain, des tons chauds et couleur de feu. C’est alors que j’aurais voulu être vraiment artiste pour emporter, sur la toile, ce coucher de soleil dont la vue, eussé-je vécu cent ans dans le bonheur, la joie, la tristesse ou l’adversité, m’aurait toujours réchauffé le cœur, rajeuni l’esprit, réconforté l’âme. En effet, ce coucher de soleil reproduit sur la toile eût été le plus beau souvenir, le souvenir le plus vivace de la plus belle heure de ma vie. J’ai revu souvent, depuis, d’aussi beaux couchers de soleil, mais jamais dans d’aussi beau cadre, et dans de pareilles circonstances, dans d’aussi beaux paysages ; au-dessus de nos têtes, cette voûte de branches et de feuilles qui mariaient leurs couleurs, le brun, le gris ou le vert, à la pourpre et aux ors du déclin du jour ; au premier plan, quelques gros arbres qui inclinaient, comme pour saluer le départ de l’astre, leur tronc majestueux au-dessus du rapide dont le bouillonnement soulevait des millions de gouttelettes d’eau qui retombaient en une fine poussière de diamants ; un peu plus loin une nappe d’eau tranquille qui reflétait toutes les couleurs et tous les tons de la voûte céleste, et au fond du tableau, un globe rouge, immense, qui flottait dans un océan de feu et d’or fondu ; et pour donner plus de majesté, plus de vie, plus d’éclat