Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les heures passaient et l’instant du retour approchait. Nous entendions par moment les rires joyeux de nos amis qui revenaient de la profondeur du bois et s’approchaient au bord de l’abîme qu’ils venaient contempler une dernière fois.

Tous les deux, mûs par la même pensée, nous nous levons précipitamment et nous entrons dans le bois. Nous voulons laisser, en ces lieux, un dernier souvenir que nous retrouverions plus tard si jamais le hasard voulait nous conduire encore une fois dans ce bocage de l’amour. Nous allions graver dans l’écorce d’un jeune arbre nos deux noms entrelacés. Plus de quarante années se sont écoulées depuis cet instant ; je ne sais si le Buisson a changé d’aspect, je n’y suis jamais retourné depuis. La cabane en planches brutes a-t-elle disparu pour faire place à un superbe hôtel aux larges vérandas où viennent s’asseoir les désœuvrés et les indifférents ? La cognée a-t-elle abattu ces beaux grands arbres couverts de la signature de tous les heureux couples qui ont demandé à leur ombrage une heure de paix et de bonheur ? Et cet arbre, sur lequel nous avons tracé nous-mêmes nos initiales, vit-il encore ? Tout est-il disparu sur ce promontoire pour faire place à l’industrie moderne qui s’empare de toutes les forces de la nature partout où elle les trouve ? Peu importent les ravages du temps, si j’y retournais et que je ne verrais plus, avant d’arriver, la cime des grands arbres d’autrefois ondulant à la brise venue du fleuve, je fermerais les yeux pour ne pas voir la désolation ; je me ferais conduire à l’orée du Buisson, et de là, je retrouverais facilement, s’il y en a encore,