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lamentations jusqu’au jour où quelque cataclysme en viendra changer le lit. Ce flot agité, bouleversé, ne serait-il pas l’image de notre avenir ? Parfois nos réflexions étaient empreintes de tristesse, de mélancolie, parce que, nos yeux s’étant détournés de la grandeur et de la majesté des eaux en fureur, nos oreilles en entendaient encore les plaintes qui résonnaient en nos cœurs comme des lamentations ou des sanglots. L’amour a souvent de ces craintes exagérées ; il tremble toujours au bruit assourdissant, et souvent même au simple froissement de la feuille qui se détache de l’arbre. Parfois nous contemplions ce flot tumultueux qui allait se reposer un peu plus loin sur un lit tranquille ; nous en faisions encore l’image de notre vie qui, après les orages et les tempêtes du début, se calme et s’adoucit dans la quiétude de l’âge mûr et le bonheur de la vieillesse.

En cet après-midi, le dernier de notre vacance, nous demandions à tout, au firmament, à la terre, aux eaux, aux rochers, aux arbres, à la verdure, aux fleurs, de nous laisser des images, des souvenirs que nous retrouverions pendant les jours de l’absence et de l’éloignement. Même à la brise qui soufflait nous demandions de revenir plus tard nous chanter les mêmes refrains. Nous avons passé ainsi de longues heures à contempler tour à tour le ciel et les eaux, à nous entretenir de notre passé et de notre avenir. Le soleil, inclinant sa course vers l’horizon, frappait obliquement, de ses rayons encore chauds, le tronc de l’arbre auquel nous étions adossés et nous n’en sentions pas les feux tant nous étions absorbés par nos pensées, tant l’amour parlait en nos cœurs.