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dions sur la berge ; nous prenions une chaloupe et nous allions à travers les petites îles en amont du vieux pont, promener nos rêveries et nos espoirs, ou nous laissions notre frêle embarcation aller à la dérive et nous descendions doucement sur l’onde transparente. Assis sur nos bancs, en face l’un de l’autre, les coudes sur les genoux, la tête penchée et le menton appuyé sur la main, nous étions de longs instants muets, à nous regarder dans les yeux pour y lire ce que les yeux seuls peuvent dire à certaines heures mystérieuses. Quelquefois nos mains plongeaient dans l’onde qu’elles agitaient inconsciemment, pendant que nos regards cherchaient là-haut quelque étoile brillante que nous retrouverions plus tard lorsque nous serions éloignés l’un de l’autre ; ce serait un phare où nos pensées se rencontreraient dans l’avenir. Et notre barque descendait lentement, lentement, à travers les joncs et les hautes herbes aquatiques, ou s’accrochait parfois à quelque pierre à fleur d’eau. Nous nous laissions aller, inconscients des heures qui passaient. Quand nous arrivions à la digue du vieux moulin, nous donnions quelques coups de rames et nous remontions jusqu’au vieux pont ; nous amarrions notre barque ; nous disions un bonsoir à la vieille Ben-Oui, qui surveillait avec un soin jaloux son vieux pont que nous retraversions, et nous reprenions d’un pas lent le chemin de notre demeure. Oh ! soirées délicieuses, pleines de charmes et de mystère, comme vos heures étaient courtes ! comme vous fûtes vite passées ! et que de souvenirs vous avez laissés dans ma mémoire ! souvenirs qui ont adouci les misères et les ennuis de la vie du