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rendormais rarement, j’assistais en esprit au Saint Office. Je priais et comme elle je demandais la constance dans notre amour, une sainte union et des jours heureux pendant un long avenir.

Après le déjeuner, je prenais mes pinceaux et mes couleurs ; je m’asseyais près de la fenêtre de la salle à manger que je transformais en atelier, et je peignais des paysages, scènes d’été ou d’hiver. J’avais un peu de talent pour le dessin et la peinture ; j’en étais heureux en ce moment puisqu’il me permettait de laisser à mes amis des souvenirs plus durables et plus matériels. Je peignais une partie de l’avant-midi, quelquefois un peu l’après-midi. Le temps était si bon tout près de ma Rose-Alinda, et les minutes si précieuses. Que d’heures nous avons passées ainsi dans ce tête-à-tête. Quand je dessinais une maisonnette au bord d’un ruisseau, sous de grands arbres, nous rêvions d’aller finir là les jours de notre vieillesse. Que de projets nous avons élaborés, que de châteaux en Espagne nous avons bâtis en ce temps-là. Vers les quatre ou cinq heures et dans la soirée, nous allions faire de longues marches dans le chemin qui longe la rivière. Nous traversions le vieux pont de bois, pont vermoulu, tout branlant, sans garde-fou, et aussi vieux que sa vieille propriétaire presque centenaire que nous avions surnommée : « La vieille Ben-Oui », parce qu’elle ne disait pas deux mots sans ajouter ben-oui. Souvent nous nous asseyions sur le bout de quelque planche du pont, les pieds pendant au-dessus de l’eau, et nous contemplions l’onde qui coulait lentement entre les piquets à demi arrachés. Quelquefois nous descen-