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L’AMOUR NE MEURT PAS

pouvait rapprocher les distances, les faire disparaître. Dans les chaloupes qui voguaient au loin, je croyais toujours voir ma Rose me revenir. J’attendais là en face de l’eau et des bateaux des heures entières. Lorsque j’étais las d’attendre en vain ou d’errer par les rues de la ville, je me dirigeais vers la maison paternelle où ma petite chambre d’étudiant me semblait plus empreinte que jamais de la tristesse la plus sombre. Je me jetais sur mon lit pour songer ou rêver ; ou assis dans mon fauteuil en bois devant ma table de travail, je prenais un volume de Lamartine et j’y cherchais des situations analogues à la mienne.

Enfin le matin du trois juillet, je reçus la première missive de ma Rose que je lus et relus bien des fois. Chère missive, elle me paraissait si courte que je cherchais encore, entre les lignes, entre les mots, des idées, des pensées, des sentiments que ma Rose n’aurait pas osé exprimer ou tracer clairement sur le papier. Elle s’excuse d’être la première à écrire ; elle aurait dû attendre pour répondre à ma lettre, c’eût été plus convenable, écrit-elle, mais l’attente ne lui est plus possible ; son ennui est trop grand, trop insupportable ; elle n’y tient plus. Son esprit est plein de ma pensée. Elle souffre trop de son éloignement. Comment pourrait-elle attendre plus longtemps ? Il lui semble que, en traçant des mots sur le papier, elle cause avec son petit étudiant qui la regarde et qui l’écoute. Des amis la reçoivent à son arrivée à St-Jean ; elle les revoit d’un œil distrait et leur présente une main froide. On a projeté des amusements variés dont on lui soumet le