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L’AMOUR NE MEURT PAS

soie vieux de quarante-deux années et qui cependant a encore toute la fraîcheur de sa jeunesse. La couleur de la soie est encore uniforme ; la teinte est brillante avec tout l’éclat d’autrefois ; pas le moindre petit pli. Oh ! ma Rose, tu as dû y déposer un baiser pour le consacrer comme on baise le drapeau avant de le confier à l’officier qui en aura la garde. Ce petit morceau de soie n’était-il pas en effet le drapeau aux couleurs que tu devais arborer le jour de nos noces, le drapeau de notre amour, le drapeau de ma nouvelle patrie : ton cœur. Maintenant il est pour moi le drapeau que l’exilé emporte dans la terre étrangère et qui me rappellera toujours le cœur que j’ai perdu. Je le vénérerai toujours comme une précieuse relique. Oui, cher petit morceau de soie tu es le cœur de ma Rose chérie, et ta couleur me fait rêver du ciel.

Quels doux souvenirs se dégagent de cette lettre, plutôt de cet écrin qui renferme une relique plus précieuse et plus riche que la perle du plus bel orient ou le diamant aux plus beaux feux. Un moment j’ai eu l’idée d’enchâsser ce petit morceau de soie dans un médaillon avec le portrait de ma Rose bien-aimée que je porterais toujours sur moi comme un talisman, mais pourquoi l’enlever de l’écrin où elle l’a placé elle-même dans un moment de grande joie.

Qui me redira jamais tous les sentiments, les pensées et les désirs de ma Rose, quand elle choisissait sa toilette entre dix tissus, vingt couleurs et autant de nuances ? À quoi pense la jeune fille qui choisit sa toilette de mariée ? Uniquement à son fiancé, pour lui plaire, pour lui paraître plus belle, plus élégante, plus gracieuse.