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L’AMOUR NE MEURT PAS

je cachais toutes mes ambitions à ma Rose de peur de la chagriner. Mais ma chère Rose lisait entre les lignes de mes lettres. Un jour, elle m’écrivit : « Je m’aperçois par ta distraction involontaire que tu penses souvent à Montréal. Pauvre Elphège, c’est donc moi qui te tiens captif dans cette campagne. Oh ! Elphège, si je ne t’aimais pas autant, je te dirais : va à Montréal, dans cette grande ville que ton cœur désire tant ; je t’attendrai trois ans, quatre ans s’il le faut ; mais, mon Elphège, ces années ne te paraîtraient-elles pas longues comme une éternité ? Je trouve déjà le temps si long ! Si tu savais comme tous tes sacrifices me font t’aimer davantage ».

Pour effacer cette mauvaise impression qu’avait ressentie ma Rose, je lui disais et chantais souvent dans mes lettres les charmes et les beautés de St-Césaire. J’aime, lui disais-je, St-Césaire et sa campagne quand l’habitant vient me chercher le matin au lever du soleil, lorsque l’air est encore tiédi par la buée qui monte des champs ou la rosée qui y tombe. J’aime le balancement de la charrette à deux roues, au siège élevé du haut duquel je puis admirer les travailleurs, à l’épaisse chemise bigarrée et au grand chapeau de paille, qui s’en vont aux champs, conduisant leurs beaux chevaux attelés sur la faux mécanique. Je contemple avec plaisir la jeune fille et son compagnon qui traient les vaches dans l’enclos près de l’étable. Le pépiement des oiseaux qui se courent de branche en branche m’enchante. Le long du fossé, le convolvulus, qui ouvre au soleil sa corolle blanche, légèrement teintée de rose ou de bleu, me réjouit.