Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
L’AMOUR NE MEURT PAS

dorloter pour que tu deviennes un beau gros garçon. Mais prends garde à la jolie brunette avec qui tu aimes tant causer, car si elle perdait son fiancé, tu serais peut-être en danger, plutôt c’est moi qui serais en danger. Mon cher Elphège, je t’aime tant que je crains toujours que tu me sois enlevé ; souviens-toi qu’on ne peut compter un trésor que lorsqu’on l’a en sa possession ».

Quand j’ai dit plus haut la maison du bon Dieu, je n’ai pas exagéré le qualificatif, car, dans le temps, Madame Beaure avait une de ses filles religieuse au couvent de la Présentation, et depuis une autre, la petite Minouche, alors âgée de treize ans, a pris le saint habit dans la même communauté. Son fils aîné est devenu le Père … de la Trappe d’Oka. La petite Minouche était fine comme une mouche et chatte comme un tout jeune enfant. J’ai revu dernièrement cette aimable enfant que je n’avais pas rencontrée depuis quarante et une années. J’ai reconnu immédiatement, sous son bonnet de religieuse, son petit visage espiègle et ses grands yeux brillants. J’ai failli lui sauter au cou et la baiser sur les deux joues tant j’étais content de revoir cette petite amie des anciens jours. Le respect de sa coiffe de religieuse m’empêcha de commettre ce péché véniel.

L’autre jeune fille de Madame Beaure, l’aînée, était une personne très instruite qui causait admirablement sur tous les sujets. Elle avait un langage châtié, une voix douce et agréable à entendre. J’avais beaucoup de plaisir à discuter avec elle, car elle avait beaucoup lu et beaucoup retenu. J’aimais à lui passer mes cahiers