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L’AMOUR NE MEURT PAS

regarder dans le passé et jamais nous n’aurions pu croire, ni même osé penser qu’un jour l’un des deux pût disparaître avant l’autre ; et, si parfois l’idée de la mort nous hantait, nous demandions d’avoir le même tombeau pour y dormir ensemble notre dernier sommeil, ou si l’un des deux devait sombrer avant l’autre, nous demandions, chacun de nous, à être le premier à quitter la terre. Nous redoutions tellement l’un et l’autre les ennuis, les chagrins et les pleurs de l’isolement ici-bas, que nous ne voulions pas nous survivre l’un à l’autre. Hélas ! le sort m’en voulut et c’est moi qu’il frappa le plus durement. Ma Rose est partie et je reste pour la pleurer. Je souffre, il est vrai, mais elle au moins jouit d’un bonheur parfait ; c’est ma consolation. Ma Rose aurait-elle enduré moins péniblement que moi les tourments de l’isolement ? J’en doute beaucoup, car plusieurs de ses amies m’ont répété depuis son décès qu’elle leur disait souvent : « Je ne voudrais pas que mon mari meure avant moi, parce que je ne saurais que faire seule sur la terre. Mourir la première c’est mon désir le plus ardent ». Et moi, chère Rose, que vais-je faire seul sur la terre ?

Jeune homme de vingt-quatre ans, quand je faisais route pour une terre étrangère, j’emportais le cœur de ma Rose et je lui laissais le mien en échange. Je partais avec tout son amour, et toutes les espérances de la revoir et de la posséder un jour ; cependant les lettres qu’elle recevait de mon exil, ne trahissant qu’une partie des secrets de mon journal, lui montraient surabondamment les horribles tortures de mon isolement et de mon éloignement. Je n’aurais jamais osé lui transcrire mot