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L’AMOUR NE MEURT PAS

attente qui me fait souffrir. Par instant mon regard s’abaisse sur le papier aux fleurs multiples des murs et mon imagination se met alors à jongler avec l’agencement et l’entrecroisement des fleurs à travers les ronds et les carrés du papier teint. Je suis comme le malade qui, étendu sur son lit, cherche quelque part un soulagement à sa douleur physique ou une distraction quelconque à son isolement, et qui les trouve dans un rien accroché au plafond ou sur les murs. Je m’amuse à placer les fleurs autrement dans le dessin ; je dispose les ronds et les carrés d’une autre façon ; je mets une teinte plus pâle à tel endroit, une couleur plus foncée à tel autre. Par moment mes yeux fixent un point et ne voient plus ni fleurs, ni ronds, ni carrés ; ils aperçoivent un train qui file à toute vitesse sur des rails suspendus au-dessus de précipices ou accrochés en corniche au flanc d’une montagne. C’est le train qui amène ma Rose. Ah ! voilà qu’il traverse, en ralentissant sa marche, un pont dont l’ingénieur croit les piliers minés par la pluie diluvienne de la veille. J’ai peur et je sursaute sur mon sofa dont je sens alors toute la dureté des ressorts. Je me lève et m’habille lentement pour tuer le temps. Les minutes sont plus longues que d’habitude ; les aiguilles de mon petit cadran n’avancent pas, cependant j’entends toujours le tic-tac du mouvement. Ô temps ! c’est quand on te voudrait voir fuir avec rapidité que tu arrêtes ta marche !

Que la journée fut longue ! J’essayai souvent de lire, d’étudier, de feuilleter les journaux pour faire de la copie pour L’Étoile, mais la lecture était insipide ;