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L’AMOUR NE MEURT PAS

superbe, couvert de grands arbres et de belle verdure, surplombe un torrent impétueux. Dans le bruit des ondes tumultueuses, je crois reconnaître une voix du passé qui charme mes oreilles et plaît à mon cœur. Il me semble revoir, à quelques pas, l’arbre au pied duquel nous nous sommes assis, tu t’en souviens, chère Rose, pour nous dire nos amours, bâtir des châteaux en Espagne et espérer en l’avenir. Dans le kiosque au milieu des arbres, je crois reconnaître la cabane champêtre auprès de laquelle nous avons pris le repas du pique-nique. Et ces marmitons au bonnet blanc que je vois dans ces baraques ne sont-ils pas nos amis du pique-nique qui jonglaient avec les crêpes ou faisaient frire les pommes de terre ? Je m’approchai d’un jeune arbre sur l’écorce duquel je cherchai des lettres entrelacées ; l’écorce était blanche, unie, intacte ; le couteau des amoureux ne l’avait jamais blessée. Tout à côté, sous une tente malpropre, j’entendais la voix nasillarde d’une sorcière improvisée qui prédisait l’avenir à une petite amoureuse. Il me semblait que tu étais là, ma Rose, écoutant mademoiselle Charlotte H… te dire l’avenir au moyen des cartes.

Mes souvenirs joyeux furent de courte durée, car à l’horizon, de gros nuages blancs et noirs se formaient en longues spirales et, poussés par un vent violent, s’avançaient rapidement, s’étendaient par le ciel et changeaient le jour brillant en une nuit sombre. La pluie menaçait de rompre ses digues à tout instant. Le ciel devenait complice de mon ennui et de ma tristesse qu’il