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suis seul. Ironie du temps ! et dimanche dernier, nous étions si heureux, Rose et moi, l’un près de l’autre, presque dans les bras l’un de l’autre. Raillerie du sort ! Pendant que je pleure et me désole, là tout près de moi, séparé par une cloison toute mince, un jeune homme, assis au piano, fait entendre des accords que nous avons écoutés si souvent ensemble, ces accords harmonieux de nos soirées d’autrefois, ces accords entraînants que mademoiselle Erika H… exécutait avec tant d’âme pour nous pousser dans le tourbillon de la danse. Oh ! ma Rose, tu ne connais pas cet écho qu’on entend dans la solitude, cet écho qui vient réveiller l’âme assoupie dans ses tristes pensées.

Petite fiancée, l’absence a trop d’amertume pour moi ; je languis ; je ne veux plus vivre, et, fantôme vivant, je demande au temps de précipiter la course de ses heures ; j’invoque l’avenir et c’est l’ennui qui me répond toujours. Viens, ma Rose, ou j’invoquerai la mort.

Cet après-midi, pour essayer de chasser l’ennui qui m’accable et me mine, je sortis de mon bureau et me dirigeai vers les lieux de promenade où tous les âges se rencontrent et se donnent la main ; où les désœuvrés vont chercher les distractions ; les fatigués, un peu de repos ; les amoureux, des espaces solitaires ; les bonnes, de l’air frais pour les bébés. Au milieu de la foule qui chemine, j’arrive, sans m’en apercevoir, au bord de la rivière. Oh ! souvenir agréable ! douce illusion ! je me croyais au Buisson. Pour un instant mes pensées tristes s’évanouissent ; ma figure se déride ; mon cœur palpite plus fortement ; je respire à l’aise. Ici, comme au Buisson, un cap