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Le 14 mars 1930, quarante-trois années après avoir envoyé ces pensées à ma fiancée, j’étais assis sur le bord de ma couche à l’endroit même où ma Rose chérie, il y a cinq mois, expirait après m’avoir donné son dernier baiser. Je feuilletais son album-autographe qu’elle conservait avec un soin jaloux, non plus pour y faire écrire des banalités comme au temps de sa jeunesse, mais pour y insérer les dates heureuses de la naissance de nos enfants et fatalement aussi celles où l’impitoyable mort venait les soustraire à notre tendresse et les arracher à notre amour. Je relisais les pensées que j’y avais tracées, les sentiments que j’y avais exprimés ; je contemplais les peintures que j’y avais faites et surtout j’admirais la fraîcheur des deux souvenirs les plus délicats que j’avais adressés à ma Rose, dont un en partant pour Lowell, c’était le petit bouquet que ma Rose m’avait donné quelques jours auparavant, lors d’une soirée, et l’autre, c’étaient les deux pensées que j’avais reçues de ma cousine et que je lui avais envoyées en souvenir de notre voyage à St-Laurent. Toutes ces fleurs ont conservé leur fraîcheur et leur parfum. Les deux pensées ont encore leurs belles couleurs variées et l’apparence veloutée d’autrefois. Ces deux pensées sont attachées dans une page toute blanche, sans date sans inscription, comme si elles portaient en elles-même plus de mots, d’idées et de souvenirs qu’on aurait pu en tracer sur le feuillet. Sur la page en regard, ma Rose chérie avait inscrit le mariage de notre chère Jeanne et la naissance de nos petits enfants, comme si de l’union de ces deux pensées devait naître la vie et le bonheur.