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lentement, paresseusement ses eaux entre deux rives arides, où parfois une petite oasis se rencontre, mettant un peu de pittoresque, donnant un peu d’ombre et de fraîcheur ; fleuve dont la surface polie et plombée ne se ride jamais parce qu’il n’y a ni brise, ni vent. Moins que cela, ma vie aurait peut-être passé oubliée, inconnue, comme passe le ruisseau à travers la campagne déserte, inculte, sans herbe, sans arbres et sans oiseaux qui y chantent. Ma vie eût été silencieuse, morne, sans éclat. Par contre, ma vie, avec toi et par toi, c’est le ruisseau qui abreuve les troupeaux, qui arrose les champs fertiles où germent les blés, où fleurissent les marguerites et les roses ; ruisseau qui baigne le pied des bosquets et des grands arbres où les oiseaux chantent leurs amours, établissent leurs nids et élèvent leur couvée. Plus que cela, ma vie avec toi et par toi, c’est le fleuve majestueux, parsemé parfois de cascades, de rochers et de rapides qui en rehaussent les beautés ; fleuve dont le vent agite les flots, les bouleverse et les fait écumer. Brave nautonnier que tu es, Oh ! ma Rose, habile pilote, tu as voulu m’apprendre à naviguer par tous les temps, à braver les vents et les tempêtes, à vaincre les flots courroucés et tu le regretterais aujourd’hui ? Oh ! ma Rose chérie, tu m’aimes trop pour cela ; ne regrette pas ce désir que j’ai si bien compris et auquel j’ai obéi avec la meilleure grâce du monde. Je t’en serai toujours reconnaissant. Quand j’aurai vaincu les tempêtes, quand j’aurai doublé les caps dangereux, et que nous serons arrivés dans les eaux calmes et dans le port tranquille je me réjouirai et tu seras orgueilleuse de ton maître