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L’AMOUR NE MEURT PAS

des sentiments d’amour. Pouvais-je après cela ne pas t’obéir ?

En discutant ainsi, nous nous rendions jusqu’au pont de la vieille Ben-Oui, notre promenade de prédilection, et, presque sans nous en apercevoir, nous passions d’un sujet sérieux aux frivolités de l’amour, en comptant les vieilles planches du pont qui nous avaient fait trébucher plus d’une fois, et nous retrouvions presqu’à chaque pas des souvenirs que nous aimions à rappeler. Nous parcourions lentement le pont jusqu’à la vieille cabane de la vieille Ben-Oui pour aller lui dire un bonsoir qu’elle nous rendait avec sa grimace ordinaire qu’elle prenait pour un sourire. Puis nous revenions en nous asseyant de temps à autre sur le bout de quelques planches plus solides, pour entendre le murmure de l’onde qui se jouait entre les chevalets, et nous répétait des chants doux que nous avions si souvent entendus et que nous aimions à entendre de nouveau comme accompagnement des mots si doux que nous disions à voix basse de peur que l’écho ne les redise à d’autres.

Vers les dix heures, quand le disque de la lune pâlissait et diminuait de grandeur et que les étoiles devenaient plus brillantes, nous reprenions le chemin de la petite maison hospitalière où les sœurs de Rose nous attendaient. En passant dans l’ombre du clocher, nous nous arrêtions un moment pour nous recueillir et dire un « Je vous salue Marie ». Après une petite veillée dans le salon, chacun prenait le chemin de sa chambre où des beaux rêves nous attendaient peut-être. C’est ainsi que je passai les trois jours de ma plus belle et plus courte