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jouant sur son violon des airs canadiens et des valses entraînantes, et les souvenirs dansent dans mon imagination. Nos soirées me reviennent à la mémoire ; mes amis m’apparaissent dans les quadrilles et les valses-lanciers, me saluent et s’en vont tourbillonner dans la grande chaîne de la coquette ; et toi, ma Rose, tu me donnes la main, tu me tends les bras, je m’y jette et nous valsons en nous répétant à l’oreille comme autrefois des mots si doux, si doux. Oh ! reviens souvent, charmante musique, réveiller mes souvenirs ; j’aime tes accords comme j’aime mes souvenirs. C’est par tes accords, ô musique enchanteresse, que j’ai peut-être conquis l’amour de ma Rose. Combien de fois ai-je conduit ma Rose, chez des amis, dans des soirées ? combien de fois lui ai-je donné la main et tendu les bras pour l’enlacer et l’entraîner dans la danse, aux sons du piano ? N’est-ce pas alors qu’elle a senti les battements précipités de mon cœur, qu’elle a compris mon amour et voulu y répondre ?

Ma Rose, vois-tu comme l’exilé s’attache à tout, saisit tout ? Rien ne lui échappe. Le souffle le plus léger, la plus petite brise, le chant de l’oiseau sur la branche près de la fenêtre, la voix de l’angélus sont des murmures qui chantent à son oreille des mots tendres. Dans la feuille qui grandit ou se détache de la branche, dans la fleur qui ouvre sa corolle ou perd ses pétales, dans l’onde qui emporte un brin de paille, dans la larme qui perle au coin de la paupière, l’exilé voit un souvenir et compte un jour qui n’est plus. Tout chante et devient harmonie pour lui ; harmonie mélancolique si le souvenir est triste ;