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sance de deux jumeaux. Pendant qu’on faisait la toilette des bébés, que la mère entendait leurs cris et s’en réjouissait, que le père, un peu soucieux, pensait à la misère et au trouble qui en résulteraient pour la mère, j’ai vu entrer dans la chambre une multitude de rats que poursuivaient plusieurs chiens et quelques hommes armés de bâton. Il se fit un massacre de rats ; pas un seul n’échappa à la dent des chiens ou au bâton des hommes. Le sang giclait de toutes parts sur les draps et les murs qu’il maculait de rouge noirâtre. Après ce massacre, deux personnes, à la face empreinte de douleur, sont entrées dans la chambre et l’une d’elles m’a demandé si je savais ensevelir les morts. « Non, lui ai-je répondu, mais j’en ai vu ensevelir, peut-être pourrais-je vous aider ». On m’amena dans une salle voisine où les cadavres de deux petits enfants gisaient sur une table. Deux bonnes sœurs de charité les enveloppaient dans un drap funéraire.

En m’éveillant, tout ému, tout craintif, je cherchai à m’expliquer la signification de ces rêves. Je me souvins que le petit livre « La clef des Songes », que nous feuilletions parfois ensemble, nous disait toujours de prendre à rebours la réalité des rêves. Ai-je jamais cru à la véracité ou à la réalisation des rêves ? Tu te rappelles, ma Rose, comme je me moquais des personnes qui nous faisaient le récit détaillé de leurs rêves et de l’accomplissement de ces singeries nocturnes. Eh bien ! le croiras-tu ? cela me fait quelque chose aujourd’hui, parce que je suis loin des miens, parents et amis, et surtout loin de toi ; parce que je m’ennuie et que je suis dans les temps les plus durs que je passerai jamais.