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L’AMOUR NE MEURT PAS

croirais-tu, oh ! ma Rose, ton Elphège verse en ce moment des larmes abondantes. Je suis seul, découragé. Les bavardages que je viens d’entendre à la table des pensionnaires, les allusions à mots couverts que j’ai comprisises, m’ont crevé le cœur. On dit presque hautement que je ne suis pas médecin diplômé. On a même écrit au doyen de la faculté de médecine pour demander ce que j’étais ; médecin ou encore étudiant. Le doyen aurait répondu que j’avais passé mes examens de troisième année, mais qu’il me restait encore une année à faire avant de recevoir mon diplôme. T’imagines-tu, chère Rose, le tort que cette réponse peut me causer ?

Je pleure, non pas comme un enfant qui n’a pas de chagrin ou qui sèche ses larmes à volonté sous les baisers de sa mère ; non, ce sont des larmes vraies. Qui n’a pas éprouvé ces moments de détresse dans la vie, qui n’a pas connu parfois les angoisses de la solitude et n’en a pas pleuré, n’a jamais aimé ; il est bien malheureux celui-là. Dans ma solitude, je ne pleure plus au souvenir de mes jeunes années, de ces jours bénis où mon père vénéré et ma mère dévouée me berçaient sur leurs genoux, ou déposaient, sur mon front encore vierge des soucis et des chagrins, les baisers répétés qui disaient leur tendresse et leur bonheur ; je ne pleure pas plus sur les heureuses années de mon adolescence passées au foyer paternel ; je ne pleure pas plus ce toit qui abrita si longtemps mes joies et mes plaisirs : non, je ne pleure rien de tout cela ; j’y pense quelquefois, mais le souvenir en est doux. C’est la loi de la nature et de Dieu qu’il faut quitter ses parents et abandonner le toit paternel. Le