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L’AMOUR NE MEURT PAS

Enfin dans l’avant-midi du lundi, 4 avril 1887, j’entre définitivement dans mon appartement. Je suis seul désormais et seul pour longtemps. Puis-je maintenant me rappeler les tristes pensées qui m’ont assailli en ouvrant la porte que j’eus tous les regrets possibles de refermer. Il me semblait que le froid de la mort me fouettait le visage. J’étais transi comme à l’entrée d’un charnier. Il me semblait que la porte m’enfermait dans un tombeau d’où je ne sortirais plus. Quelle impression désolante ! des murs nus, des petites chaises en bois, un tapis fané sur une table minuscule, un plancher usé avec de gros clous dont la tête faisait saillie, pas de bibelots, pas de cadres, pas de gravures. C’était froid, glacé ; pas de souvenir nulle part, aucune trace d’un passé quelconque. C’était sombre ; pas la plus petite lueur d’un avenir qui peut percer. J’entrai éperdu, la mort dans l’âme. Je traversai la première chambre d’un pas rapide et j’allai m’asseoir devant la petite table de mon bureau sur laquelle j’avais placé les deux photographies de ma Rose et les quelques livres que j’avais emportés. Je regardais tour à tour les deux photographies. Je les saisis avec des mains nerveuses. Je les contemplai longuement pour y chercher des souvenirs et des sourires, et je les baisai follement, éperdument pour y trouver quelques adoucissements à ma douleur, à mon chagrin. J’étais plus que jamais fou d’ennui et de désespoir. Combien de temps ai-je tenu ces deux photographies dans mes mains et sous mes lèvres ?… Tout à coup je me rappelai la pensée de je ne sais plus quel écrivain, qu’une heure de lecture dissipe le chagrin le plus mortel. Je