une lettre de ma Rose. Mais, hélas ! le facteur passe devant la porte en me saluant. Il monte les quelques marches du perron voisin, tire le fil de la sonnette, jette une lettre à travers la porte entre-bâillée, et il va ainsi de porte en porte distribuer ses lettres et ses paquets.
Déjà près d’une semaine que je suis parti de Montréal et je n’ai pas encore reçu un mot, un seul mot de consolation, un mot d’encouragement. J’ai abandonné ma patrie, ma mère, mes frères, mes amis, ma Rose, ma fiancée. Je suis loin, je suis seul, et déjà je suis oublié. Comme les jours sont longs dans l’exil ! Et mon amie chérie, ma fiancée, ma Rose que fait-elle ? C’est pour elle que je suis parti ; c’est pour elle que j’ai tout quitté et j’en suis déjà délaissé. Mais non, cela ne se peut pas ; elle n’a pu m’oublier si tôt. Oh ! malheureux que je suis, je doute encore après les serments qu’elle m’a faits. Mais non, elle est malade, et je ne suis pas là pour la guérir, la soulager, calmer ses douleurs et la consoler. Eh ! le dirais-je, plus de quarante ans après ce jour, en relisant la lettre que j’écrivais quelques heures après cet accès de désespoir, ma paupière s’humectait au souvenir de cette heure de souffrance, et des larmes sont tombées sur cette feuille où je retrouvais les traces d’anciennes larmes. Pourrais-je redire ce que j’ai enduré en cette heure d’angoisse, les tortures de mon cœur, les tourments de mon âme ? C’est quelque chose d’inouï ; quelque chose qui saisit le cœur, qui le resserre, qui le comprime, qui le broie ; c’est quelque chose qui étouffe, qui opprime. Pourrais-je aussi exprimer ce que je ressentis une heure plus tard, quand le facteur revint frap-