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pour affronter l’avenir dans de telles conditions ? Nous ne pensions certainement pas à édifier de grandes fortunes ; le grand, l’unique but était alors d’être le médecin des pauvres et d’en recevoir le plus souvent, pour paiement de notre dévouement et de nos peines, les bonnes promesses de prières.

La personne qui me loua mon petit appartement s’appelait Madame Boulé que je suis heureux de nommer ici, parce qu’il me semble que je fais acte de reconnaissance. Elle fut si bonne, si charitable pour moi que j’aime à me rappeler son souvenir. Il me semble encore que je l’entends entrer à pas de loup dans mon bureau quand j’étais seul. Debout dans l’embrasure de la porte, où elle avait l’habitude de se tenir quand elle venait me voir dans le but de me consoler, de m’encourager et de sécher mes larmes, elle me parlait du beau Canada, mon pays et le sien, et surtout le pays de mes amours. Elle m’interrogeait sur ma famille et sur ma fiancée qu’elle paraissait trouver très belle. Elle prenait sur ma table la photographie de ma Rose dont elle admirait les traits réguliers et l’air doux ; elle me chantait presque la mélancolie de son regard. Ah ! les bons moments dans ma tristesse ! grosses gouttes de baume bienfaisant sur les plaies de mon cœur !

Mon logement tout exigu se composait de deux chambres dont l’une, de quatorze pieds par dix, me servait de salle d’attente, et l’autre, de six pieds par dix, était mon bureau de consultation. L’ameublement y était très primitif : dans ma salle d’attente, quatre pauvres petites chaises en bois teint en jaune, une petite