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doivent tout tenir du gouvernement, et être destituables par lui pour simple négligence.

Si des exécuteurs des lois nous passons aux lois elles-mêmes, je répéterai que je ne demande pas que les peines soient sévères, mais qu’elles soient bien graduées et proportionnelles, non pas seulement à l’énormité du crime, mais à la tentation de le commettre.

C’est pour la forme de la procédure que le législateur doit réserver toute sa sévérité. Elle doit sans doute donner toute facilité à la juste défense de l’accusé ; mais elle doit sur-tout ne laisser perdre aucun moyen de conviction. Et à ce propos, je dois rappeler une maxime qui s’applique plus ou moins à tout ce que je viens de dire, et dont, suivant moi, on a étrangement abusé. C’est celle-ci : il vaut mieux laisser échapper cent coupables que de condamner un innocent. Sans doute il n’y a pas de crime plus atroce que celui d’opprimer sciemment un innocent avec l’appareil de la justice : et de tous les forfaits le plus abominable, et le plus capable d’en faire commettre un grand nombre d’autres, est l’assassinat juridique. Dans ce sens, la maxime est de toute vérité, sans la moindre restriction. Sans doute encore c’est un malheur horrible qu’une condamnation injuste prononcée par erreur. L’humanité toute entière doit en gémir ; mais elle n’a pas à en redouter les conséquences pour la morale publique et privée. Au contraire, car une erreur reconnue préserve de dix autres, et ne se fait pardonner que par une conduite irréprochable. Et si par une crainte exagérée de cette calamité affreuse assurément, mais toujours rare, parce que tous les intérêts se réunissent pour