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Tout ce que l’on peut dire de plus fort en sa faveur, c’est qu’elle est nécessaire pour que tant de biens soient opérés. Néanmoins, après avoir indiqué si rapidement des objets d’une efficacité si prodigieuse, j’ai quelque honte de m’arrêter à l’utilité faible et éloignée que la morale des hommes faits peut retirer de quelques leçons directes données dans des écoles et des fêtes publiques. Il me semble que c’est négliger l’artillerie d’une armée pour s’occuper de sa musique. Il est bon cependant de parler de ces établissemens, ne fût-ce que pour montrer, quelque degré d’importance qu’on y attache, que leur succès, leur existence même est entièrement subordonnée aux institutions dont j’ai tracé l’esquisse.

D’abord, quand le désordre est dans les finances d’un État, quand le nécessaire manque, quand les engagemens publics ne sont pas remplis, je ne connais rien d’utile, ni d’honnête à faire, dès qu’il en coûte un écu. Ensuite ce ne sont pas, comme l’on sait, les leçons données, mais les leçons reçues qui profitent. Quand vous prodigueriez les professeurs, les prédicateurs, les cahiers de leçons, les catéchismes de morale, donneriez-vous l’inclination ? donneriez-vous le loisir ? donneriez-vous l’intérêt d’écouter les uns et d’étudier les autres ? n’est-ce pas uniquement de toutes les circonstances dont j’ai parlé que les citoyens peuvent tenir ces dispositions, sans lesquelles toute instruction directe est au moins inutile ?

Supposez une nation agitée par les passions les plus vives, bouleversée par les mouvemens les plus violens, où les hommes avides soient sans frein, où