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précieuse et admirable ; mais, je le répète, pour bien saisir l’esprit et la filiation des vérités qu’elle possède, il faut qu’elle soit précédée de la géométrie que l’on peut appeler concrète,

de la science de l’étendue des corps, tels qu’ils sont pour nous. Je crois que l’on ne peut me contester ni la vérité, ni l’importance de cette assertion. Je voudrais donc que l’on traitât d’abord de cette géométrie concrète, et qu’on la commençât par faire bien sentir le singulier et inappréciable avantage que l’étendue des corps a sur toutes les autres propriétés de ces mêmes corps, d’être plus susceptible qu’aucune d’elles de mesures exactes, distinctes, et constantes. La raison en est manifeste. L’étendue d’un corps est une propriété existante dans ce corps, et non dans notre sensibilité. Nous n’avons point le sentiment direct de cette étendue. Ce dont nous avons le sentiment direct, c’est la résistance, et le mouvement nécessaire pour parcourir l’étendue résistante. Mais l’étendue elle-même n’est pas une de nos affections simples : c’est la manière d’être que nous reconnaissons aux corps qui ont la propriété de s’opposer à nos mouvemens, quand ils se continuent. Elle constitue la quantité de leur existence.