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quent cet effet n’est qu’un cas particulier de l’observation générale, que l’imperfection de nos souvenirs est la cause de toutes les aberrations de nos jugemens. Je pourrais donner beaucoup de preuves de cette vérité : mais je me bornerai à trois. Premièrement tout le monde convient que la meilleure disposition pour porter un jugement sain est d’être calme, et comme on dit, de n’avoir l’esprit préoccupé par rien. Cela est vrai : mais pourquoi cela est-il vrai ? Parceque c’est dans cet état que chaque idée particulière nous arrive et demeure dans notre esprit pure et sans mélange, et que nous pouvons la rapporter à elle-même sans altération. C’est là son type originel et constant. Les autres nuances qu’elle prend dans le cas contraire sont variables. Elle devient donc un souvenir imparfait, et c’est ce qui altère les jugemens qui s’ensuivent. La seconde preuve, c’est que les illusions naissantes de la disposition dans laquelle je suis, disparaissent dès que je m’apperçois que cette disposition en est la cause. Pourquoi cela ? Parceque dès ce moment je les sépare de l’idée à juger. Elle redevient pure, nette, et telle qu’elle est dépouillée de tout accessoire étranger et