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au maintien de leurs décisions, et l’ont fait intervenir dans toutes les discussions philosophiques. Semblables aux gouvernemens qui, quand ils renoncent à se concilier la faveur publique, tournent toute leur attention vers leurs citadelles et leur artillerie, c’est réellement l’empire de la force qu’ils ont transporté dans le domaine propre de la persuasion. Ils ont été subtils et cauteleux parcequ’ils ne pouvaient pas être lumineux. Ils ont été violens et tyranniques parcequ’ils n’étaient pas eux-mêmes pleinement satisfaits de leurs moyens de défense : car, comme l’a très-bien remarqué Saint Lambert, jamais on ne commence à s’échauffer dans la dispute que quand on commence à être embarrassé de trouver ce que l’on doit répondre. C’est, je crois, au sentiment contraire plus encore qu’à leurs principes, qu’est dû le calme et la tolérance qui caractérisent les philosophes modernes. Ils se sentent sûrs des suffrages des hommes impartiaux qui assistent aux débats : cela les tranquillise, et ils attendent du tems le triomphe de la raison.