Il est donc vrai en général que nos sensations trop répétées deviennent moins senties, comme le mouvement sensitif qui les produit devient plus facile ; mais puisque ce mouvement de l’organe lui devient plus facile, la sensation doit donc devenir plus facile aussi, c’est-à-dire n’avoir pas besoin d’un stimulant aussi fort pour être excitée : c’est aussi ce qui arrive. Il est d’observation constante que la délicatesse de nos sens s’accroît par l’exercice, même indépendamment de la part qui doit être attribuée à l’action du jugement dans ce progrès ; et quand le contraire a lieu, c’est qu’il y a eu lésion dans l’organe par le trop grand usage qu’on en a fait.
Maintenant, de même que l’observation attentive de ce qui arrive à nos mouvemens en vertu de leur fréquente répétition nous a conduits à trouver quel devait être l’effet de la même cause sur nos sensations, et à reconnaître que les phénomènes sont tels que nous avions jugé d’avance qu’ils devaient être, de même aussi l’examen que nous venons de faire de la sensation nous fait déjà prévoir ce qui arrive à la mémoire.