déjà un mot abstrait, une idée abstraite ; car, dans l’usage qu’on en fait, il y a déjà des particularités de ses élémens qu’on a négligées, et d’autres qu’on a séparées, tirées dehors pour ainsi dire, enfin qu’on a abstraites.
Remarquez même que ces deux opérations opposées, concraire et abstraire, se trouvent toujours réunies, et sont nécessaires toutes deux dans la formation de toute idée composée quelconque ; car toutes les fois que je forme une nouvelle idée avec divers élémens pris çà et là, si je sépare chacun de ces élémens de circonstances que je néglige, parce qu’elles ne sont pas nécessaires à mon objet, si je les abstrais, en même temps je les réunis, je les concrais pour en former l’idée nouvelle. Ainsi j’abstrais et je concrais en même temps, ou plutôt ce que j’abstrais d’un côté je le concrais de l’autre ; c’est pourquoi je n’aime pas beaucoup ces mots abstraire et concraire. Mais on fait tant d’abus des mots abstrait et abstraction, que j’ai voulu vous faire comprendre ce que l’on peut raisonnablement entendre par abstraire et par son opposé concraire.