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vous punissez, que pouvez-vous faire pour les petits qui vont pâtir de votre sévérité ? Ces dispositions me semblent des résidus d’anciens âges ; elles étaient logiques quand la femme était la propriété du chef, au même titre qu’un esclave, un animal, un objet de luxe et d’agrément ; elles sont révoltantes dès que vous reconnaissez à la femme une personnalité libre. Et c’est si vrai, tout ceci, que déjà la partie intelligente et cultivée de la société a renoncé à se servir de la loi ; l’adultère n’est pas moins fréquent dans les classes supérieures que dans le peuple et pourtant presque jamais les tribunaux n’ont eu à condamner de ce chef une femme du monde. Les sanctions civiles suffisent bien. C’est donc des ouvrières, des infortunées délaissées ou battues par des maris ivrognes, de pitoyables victimes que vous avez à juger le plus souvent.

— Tout cela serait peut-être à développer au Parlement ou dans une Revue, mon cher. Mais enfin la loi existe et, dans un cas comme cette affaire Durand, je ne pense pas que vous songiez à ne pas l’appliquer ?

— Ma conscience de juriste m’ordonne de l’appliquer, bien que cela indigne ma conscience d’homme. Mais vous comprendrez que je désire limiter autant que possible le mal que je suis forcé de faire et que je cherche dans la loi même tous les tempéraments qu’elle me permet. Je propose 26 francs d’amende et six mois de sursis.

Le Président sursauta. Ceci lui parut, en vérité, dépasser les frontières de la fantaisie tolérable. Il répliqua vivement :

— On a toujours donné trois mois et dans des espèces plus favorables…

— Cette raison me semble faible. J’ai remarqué, en