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la vie de l’inculpé, s’il convient, oui ou non, de le séparer de la société des hommes. Dans l’affirmative, les insociables seraient envoyés dans des asiles spéciaux pour une durée indéterminée. Je leur laisserais à des intervalles éloignés, tous les cinq ans par exemple, la faculté de ressaisir la Cour de leur cause et de réclamer leur réintégration dans l’existence normale. À ceux qu’effrayerait cette mise au tombeau de l’incarcération perpétuelle, j’offrirais la liberté dans les colonies, le service dans certaines troupes d’outre-mer, la possibilité d’utiliser sous d’autres climats, dans d’autres conditions sociales, des énergies pernicieuses ici, peut-être salutaires là-bas…

— Ah ! Jacquard, vous nous offrez de rétablir l’exil, le bannissement. Et vous appelez ça un progrès ? Pourquoi pas la confiscation et la torture ?

— Vous plaisantez, Monsieur le Président. Vous savez clairement que ce que je propose est bien différent du vieil exil ! Qu’importe les mots, après tout ! Ce qu’il faut, et chaque jour la nécessité est plus urgente, c’est se borner à organiser la défense sociale vis-à-vis des individus anormaux inassimilables, renoncer une bonne fois à toute contrainte, à toute violence qui ne soit pas impérieusement et évidemment réclamée par cette défense ; il faut cesser de Punir !…

— Alors, nous acquittons ? fit le président Louvier, en indiquant le dossier qui avait été l’occasion de l’entretien, avec un sourire de bienveillante indulgence pour la passion que Jacquard avait mise à exposer ses idées.

Adonis, qui s’était assoupi, se réveilla et répéta machinalement :

— Acquittons…