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— Certes, vous l’avez condamné à trois mois de prison, parce que vous estimiez que c’était là la durée nécessaire pour l’amendement du malfaiteur. Vous supposiez donc qu’à l’expiration de sa peine l’homme serait amendé, fortifié par le traitement moral qui lui avait été appliqué, prémuni contre toute rechute plus qu’un homme normal. Si vous avez bien apprécié les choses il y a un an, il doit donc y avoir une très forte probabilité actuelle contre la culpabilité. Comment se fait-il qu’au contraire, ce soit une probabilité « pour » que je découvre en votre raisonnement ?

Le Président regarda son interlocuteur bien en face, afin de s’assurer s’il parlait sérieusement. Et, devant le flegme à l’affût de Jacquard, il chercha une réponse victorieuse, n’en trouva point et répondit piteusement :

— Il est tout naturel qu’un voleur vole, me semble-t-il.

— Eh ! non, Monsieur le Président, il n’est pas naturel qu’un voleur, convenablement puni, se remette à voler. S’il vole de nouveau, c’est que le châtiment a été mal conçu ou mal appliqué. Et voilà, sur le vif, l’erreur agaçante de nos substituts quand ils invoquent les antécédents judiciaires : le fait de la condamnation antérieure prouve contre le prévenu, je le veux bien, mais le fait de l’accomplissement de la peine devrait prouver en sa faveur, à moins que vous n’admettiez que les peines, au lieu d’amender, corrompent. Chaque fois que vous comptez comme présomption de culpabilité le fait d’avoir été en prison, vous confessez que votre système répressif engendre des criminels. Et vous êtes si bien convaincu de l’inefficacité, je dirai plus, de la nuisance des peines que vous prononcez, que vous éclateriez de rire devant l’avocat