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paru, pour Jacquard, que des accidents isolés, des « espèces » dont rien de général ne se pouvait déduire. Et jusqu’ici, il n’avait point mis en doute que malgré ces défauts et ces lacunes, imperfections inévitables aux entreprises des hommes, le majestueux ensemble de la Justice répressive ne fût excellent et nécessaire.

Il avait, sans doute, à l’Université suivi avec les autres étudiants des cours sur la Philosophie du Droit. Mais les discours du professeur lui avaient paru des verbalités creuses. De semblables dissertations n’ont vraiment de valeur que lorsqu’elles sont la figuration dans l’abstrait de réalités perçues, comprises et senties dans la vie. À l’époque de l’Université, les adolescents sont trop loin encore de ces réalités pour pouvoir en saisir la philosophie ; et plus tard, lorsqu’ils se trouvent confrontés avec elle, il ne reste en général, dans le souvenir de l’homme qui juge, que le souvenir vague que la conclusion des théories enseignées est la justification de ce qui existe, et absorbés dans les tâches quotidiennes, bien peu ont le loisir de réétudier le pourquoi de ces tâches et la force de méditer à nouveau sur les directions essentielles de leur labeur.

Or, voici que la réflexion du président Louvrier dépassait soudainement les contingences, posait une interrogation grave, non plus quant à tel ou tel jugement, mais quant à l’efficacité de toutes les décisions qu’ils avaient rendues ou rendraient, lui, Jacquard et Adonis.

Jacquard en restait perplexe et désorienté. Pourtant, la justesse de l’observation lui semblait évidente. À quoi bon punir, si on n’améliorait point ? À quoi bon frapper, si le coup n’était point bienfaisant ? Punir pour punir, cela