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II


Depuis ce crépuscule émouvant où sa curiosité avait obtenu le secret de Frédéric Marcinel, le président Louvrier avait perdu quelque peu de cette belle tranquillité morale qui avait fait l’assurance de sa vie. Serait-il vrai que la justice pénale, appréciant les êtres comme des entités abstraites et non comme des hommes vivants et souffrants, aboutissait ainsi, tout compte fait, à plus de mal que de bien ? Se pouvait-il que le magistrat calculant, selon des routines étroites à peine modifiées par son impressionnabilité, l’importance des amendes et des emprisonnements, sans jamais vérifier si les conséquences par lui prévues se produisaient, ne fût qu’un autoritaire borné et malfaisant ?…

À vrai dire, ces réflexions ne se présentaient jamais à son esprit avec une pareille netteté. Les habitudes professionnelles qui avaient lentement déformé son cerveau ne lui eussent point permis de remettre aussi crûment en question les notions sur lesquelles avait fonctionné l’activité de toute sa vie et qui lui paraissaient aussi péremptoirement indiscutables que la lumière de midi. Mais que quelqu’un eût pu les nier un soir devant lui, quelqu’un qu’il estimait, qu’il ne pouvait taxer de paradoxe, de démence ou de socia-