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— Monsieur le Président, j’admets que la société, comme toute entité vivante, a le droit de défendre son existence. Qu’elle puisse et doive prendre, à cet effet, les précautions nécessaires, je le concède volontiers. Qu’elle veille à ce que tout dommage soit réparé, à ce que l’on rende à César ce qui appartient à César et qu’il y ait pour cela des tribunaux, ce sera conforme, je pense, aux enseignements divins ; mais qu’on s’abstienne de juger et de punir les hommes ! Ce ne sera point le mépris de toute autorité, car si l’autorité est vraiment utile et bienfaisante, elle sera respectée en raison de ses mérites ; et si, au contraire, elle n’est qu’oppressive et néfaste, il vaut mieux qu’elle ne soit point respectée.

Je ne crois pas à l’anarchie absolue. Je pense qu’il est dans l’ordre providentiel des choses que tôt ou tard, chacune de nos pensées, chacune de nos paroles, chacun de nos actes déroule la série de ses conséquences bonnes et mauvaises. Il me semble que nous marchons dans la vie escortés des fantômes de tout ce que nous avons fait, dit ou pensé, et parfois l’un de ceux-ci vient brusquement vous prendre au collet. Plus ou moins vite, plus ou moins ostensiblement, tout se paie. C’est pourquoi je ne suis pas bien convaincu que les inconvénients qui résulteraient de la suppression de toute justice répressive seraient supérieurs aux inconvénients inhérents à son administration actuelle. Et si ma manière de voir vous semble trop radicale, accordez-moi du moins que le système de pénalités devrait être tout différent. Moins de violence et de brutalité dans l’action sociale. À cet égard, l’idée qui a inspiré la loi sur la condamnation conditionnelle me semble géniale ; elle indique toute une évolution salutaire…