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petites enquêtes ; je découvris toute une série de menus faits, qui peut-être vous sembleraient sans valeur, mais qui me confirmèrent dans mon opinion : j’avais causé le malheur des Quinet…

— Quelle exagération, Marcinel ! Cet homme était un alcoolique et devait finir ainsi. Tu as fait ton devoir. Tu n’as rien à te reprocher. Si Quinet ne t’avait rencontré, il eût trouvé quelque autre occasion d’une déchéance qui était dans sa mauvaise nature.

— C’est bien possible, Monsieur le Président. Aussi je ne me crois pas le seul coupable de ce qui est arrivé. Mais, de même que le faible déplacement au départ de l’aiguille d’un excentrique suffit à envoyer des trains dans des directions bien différentes, je pense qu’il est des destinées humaines qu’un événement relativement médiocre suffit à déterminer. Celle de Quinet était de celles-là. Elle eût marché heureuse et droite sur une route facile ; elle devait trébucher sur les cailloux. À supposer qu’elle eût évité les uns, d’autres, sans doute, l’eussent fait tomber. C’est fort probable, mais je reste néanmoins celui qui a provoqué l’irrémédiable culbute…

Cela m’a tourmenté plus que je ne saurais vous le dire, Monsieur le Président. C’est alors que je me suis rapproché de l’église. Nous avons tous, en nous, un « moi » intérieur avec qui il faut être en paix. Souvent, il sommeille, endormi par l’éducation, les habitudes, les conventions. Mais, quand il parle, on ne peut pas ne point l’entendre. Ma conscience me demanda si le cas de Quinet était isolé et je fus bien forcé de lui répondre que dans bien d’autres circonstances encore, la répression avait été inefficace et même fâcheuse…