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prisonniers ou de renseignements ; actuellement, il n’est plus qu’une survivance curieuse d’un usage ancien.

On se lève à cinq heures à la caserne, en été. Aussitôt, Marcinel partait avec le camarade qu’on lui avait choisi. Les chevaux marchaient au pas dans la fraîcheur du matin. On traversait des villages encore endormis. Les oiseaux se chamaillaient dans les buissons. En passant dans les bois, une odeur douce de terre et de verdure grisait. Les chevaux semblaient prendre, autant que leurs maîtres, part à la joie ambiante. Ils se souvenaient, avec une fidélité amusante, des incidents des promenades antérieures. On sentait à un ralentissement de leur allure, à un mouvement à demi indiqué, qu’ils reconnaissaient l’endroit où l’on s’était autrefois arrêté pour se rafraîchir, où l’on était descendu pour recevoir une plainte. Frédéric Marcinel était, pour toutes ces volontés obscures de son cheval, d’une compréhension et d’une complaisance étonnantes. Il aimait l’animal, en devinait les préoccupations confuses, était joyeux quand il pouvait lui faire plaisir. Les grands chagrins de la vie professionnelle de Marcinel avaient été la maladie et la mort de chevaux qu’il avait élevés, auxquels il avait appris le calme admirable que gardent ces nobles bêtes dans les foules…

Depuis douze ou quinze ans, Frédéric Marcinel n’avait plus changé de résidence. Quand il fut envoyé dans la ville où se passe la suite de ce récit, il y rencontra le juge Louvrier et le hasard d’une conversation leur révéla qu’ils étaient issus de villages ardennais assez proches, et qu’ils avaient tous deux l’amour de la nature et le sentiment du respect dû à l’autorité. Cela les rapprocha d’emblée et lorsque le