Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8 —

outre cette habileté qui faisait étinceler ses petits yeux bruns, ronds et mobiles, un don naturel de rédaction et d’expression, ses procès-verbaux ainsi que ses dépositions dans les enquêtes étaient d’une remarquable netteté. Ces qualités exceptionnelles avaient été vite appréciées et s’il l’eût voulu, Martinel eût pu, comme tant d’autres, quitter la gendarmerie pour la situation plus lucrative de commissaire de police ou de garde particulier. Mais il aimait sa profession ; de besoins modestes, sa solde lui suffisait et il eût eu le sentiment d’une déchéance si pour un peu d’argent en plus, il eût dû renoncer à endosser sa tenue et à monter à cheval.

Fils d’un cultivateur des Ardennes, envoyé de bonne heure à l’école communale, il avait gardé, tout en apprenant à lire et à manier la plume, la passion des forêts et des bêtes. Tout le décor de nature où s’était passée son enfance, les collines couvertes de bois magnifiques, l’océan de verdure ondulant jusqu’aux lointains de l’horizon, la vaste solitude, la paix sous l’ombre des chênes puissants, toute la vie mystérieuse qui fuit sous les branches, les routes claires qui se déroulent comme des rubans gris de villages en villages, y rattachant les fermes de pierre, il y pensait souvent. Et, parmi toutes ses occupations, celle qui lui plaisait assurément le mieux, était la « correspondance ». On appelle ainsi une sorte de promenade que font périodiquement deux gendarmes désignés la veille par le chef du corps vers un endroit convenu, où ils rencontrent les envoyés d’une brigade voisine avec lesquels ils échangent des signatures. Jadis, le service put avoir sa nécessité pour la transmission de sommes d’argent, de